vendredi 25 octobre 2013

La danse à la vièle : expérimentation du geste

Stowe 17, f. 233v°, XIVe siècle, BL
À l'occasion d'un colloque sur l'expérimentation du geste de la guerre et de la grâce à l'Université de Genève, nous avons donné avec Catherine Ingrassia (spécialiste de la danse médiévale et docteur en Histoire de l'Art) une conférence-dansée sur le thème de la danse à la vièle.
En effet, nous avons remarqué que les vièlistes dans les images médiévales sont rarement dans une position statique. Ils esquissent très souvent des pas de danse. 
Parmi les nombreuses images de danses au Moyen Âge, l'association d'un danseur ou d'une danseuse avec un vièliste représente environ 10% du corpus ce qui n'est pas négligeable. Jusqu'au début du XVe siècle, la vièle est en effet l'instrument privilégié pour "faire danser" (il sera ensuite supplanté par le flûtet-tabor).
Associant l'analyse des images à une expérimentation des gestes dans une démarche phénoménologique, nous avons proposé une hypothèse de reconstitution d'une danse à la vièle improvisée sur deux pièces musicales : Stella Splendens extrait du Livre Vermeil de Montserrat (fin du XIVe siècle) et une Cantigas : Quen o omagen (XIIIe siècle).
Souvent critiquée, cette méthodologie est pourtant fondamentale pour comprendre (dans son corps et pas uniquement dans sa tête !) les gestes représentés dans les images médiévales. Étant donné l'importance de l'inversion et de la notion d'impossible dans ce contexte précis, il est absolument indispensable pour l'historien de l'art de tenter de refaire les gestes qu'il voit pour comprendre si ces gestes sont réalisables et de ce fait en tirer une hypothèse d'analyse de l'image.
Bréviaire de Renaud de Bar, f. 7, 1303, BM
Les images médiévales sont d'ailleurs déroutantes par le fait qu'elles sont à la fois "réalistes" ; elles présentent par exemple des instruments de musique qu'il est possible de reconstituer quasiment tels quels, ainsi que des mouvements qui sont le plus souvent faisable aujourd'hui ; mais aussi chargées d'une symbolique et d'un imaginaire constant (avec notamment la présence de très nombreux hybrides et personnages imaginaires).
Pour conclure sur ce résumé de notre communication, notons que lexpérimentation de la danse (d'un point de vue phénoménologique afin de dépasser les problématiques positivistes de "science") ne donne pas uniquement des informations relatives à une praxis, elle permet de découvrir un système de relations entre musique et danse : la vièle n'est pas un simple "accompagnement" de la danse, il s'agit d'un véritable duo au sens musical du terme ; ainsi qu’un ensemble de codes gestuels figurés dans les images.